Pour les scientifiques, les expéditions conduites dans le massif du Makay ont tout d’un point de départ. Une fois leurs échantillons triés, ils sont analysés, envoyés à des experts internationaux, comparés, discutés, avant d’être finalement décrits. 

Un périple sinueux qui mènera les scientifiques quelques années plus tard – jusqu’à dix ans pour les groupes les moins étudiés – à la publication de premiers résultats. Un parcours indispensable qui prend tout son sens dans la mise à disposition de ces données à l’association Naturevolution et aux différents acteurs de la conservation du massif du Makay.

 

HISTOIRES DE DÉCOUVERTES

Chaque semaine, on vous raconte, comme au coin du feu, l’une des découvertes phares des expéditions menées dans le Makay.

Une compilation d’écrits, de photos et de vidéos à retrouver ci-dessous  🔽

 

LE « LASCAUX MALGACHE »

À ce jour, plus de 50 sites archéologiques ont été découverts dans le massif du Makay. Parmi eux, on recense des sites funéraires avec la présence de tombeaux et d’ossements humains et des sites de transition ayant servi de refuge ou de lieu pour la pratique divinatoire. Plus de 500 peintures rupestres les premières découvertes à Madagascar ont également été recensées dans les dizaines d’abris sous-roche ornés que compte le Makay. La datation au carbone 14 de certains fragments, associée à la comparaison de motifs de poteries excavées dans le massif et ailleurs à Madagascar, a révélé l’utilisation de certains sites dès le 11ème siècle.

Peintures pariétales mono- et polychromiques / Crédits photos :  Oriane Del Taglia – Evrard Wendenbaum

 

#LeSaviezVous ❓ Les peintures (mono ou polychromiques) mises au jour dans le Makay représentent des formes géométriques et humaines, des zébus, des mains inversées… Les pigments utilisés ont été obtenus grâce aux oxydes présents dans les roches et à la grande variété de terres argileuses qui constellent le massif.

 

LE REFUGE DES RAPACES

Dès les premières lueurs du jour, les ornithologues arpentent les canyons pour profiter des meilleures conditions d’observation des oiseaux. Aux heures chaudes, c’est à l’affût et face aux falaises couleurs pastel du Makay qu’Anne-Sophie et Vincent se postent. « Ici, on maximise nos chances de localiser et de suivre les rapaces ».

Ces derniers ont apporté leur lot de difficultés mais surtout de satisfactions aux deux spécialistes : trois espèces auparavant inconnues du massif ont été recensées au cours de la mission, portant à onze – sur quatorze espèces présentes à Madagascar – le total de rapaces diurnes connus dans le Makay. Des chiffres qui élèvent le massif du Makay au premier rang des sites d’importance pour la conservation de ces oiseaux sur l’île.

Épervier de Madagascar (Accipiter madagascariensis) / Statut UICN : Quasi menacé – Crédit photo :  Gaëtan Deltour

 

#LeSaviezVous ❓ L’autour de Henst (Accipiter henstii), dont il est question dans le documentaire « Madagascar, expédition en terre Makay », est endémique de Madagascar et n’avait pas été inventorié dans le massif avant 2017 et les premières observations d’Anne-Sophie et de Vincent, les deux ornithologues de la mission.

Il s’agirait d’une population isolée, distante de plus de 300 kilomètres du seul couple nicheur connu dans le sud-ouest de Madagascar.

Pour aller plus loin :

–  article “Anne-Sophie et Vincent, les ornithologues de l’expédition”

–  article “Most Wanted : l’avis de recherche est lancé”

 

PETIT POISSON, GRANDE DÉCOUVERTE

Dans le filet de Mendrika frétille un minuscule animal aux reflets métalliques : un poisson du genre Pachypanchax. Pour l’ichtyologue, cette prise a tout d’une pêche miraculeuse. Seules 9 espèces de Pachypanchax sont connues à Madagascar – toutes endémiques du nord de l’île, à plus de 800 kilomètres de là – et aucune jusqu’alors dans le Makay !

Cette nouvelle espèce, en cours de description, est à ce jour représentée par une seule population et quelques dizaines d’individus peuplant les eaux sombres d’un fond de canyon. Alors que deux espèces du genre sont menacées de disparition, les Pachypanchax sont faciles à élever et appréciés des aquariophiles. Conséquence : ces poissons d’eau douce pourraient, in fine, devenir plus communs dans les aquariums du monde que dans leur habitat naturel…

Pachypanchax nov. sp. / Statut UICN : Non évalué – Crédit photo : Natexplorers

 

#LeSaviezVous ❓ Le genre Pachypanchax, qui appartient au groupe des killies *, présente des caractères morphologiques « ancestraux ». Étonnamment, il s’avère plus proche évolutivement des killies du sud-est asiatique que des killies africains – Madagascar jouant le rôle de plateforme de conservation de cette forme ancestrale, ainsi que de spéciation et de dispersion des killies.

* Killies : nom vernaculaire donné à de petits poissons d’eau douce de l’ordre des Cyprinodontes. Ce terme désigne ici la famille des Aplocheilidae à laquelle appartient le genre Pachypanchax.

Pour aller plus loin :

–  article “Most Wanted : l’avis de recherche est lancé”

–  portrait vidéo « Mendrika, ichtyologue »

 

LE LABORIEUX TRAVAIL TAXONOMIQUE

Mi-août. Alors que sonne l’heure du relais entre les deux équipes de l’expédition, une rencontre inattendue vient stopper notre progression entre les camps de Mahasoa et de BeoraDans cet étroit réseau de canyons, une minuscule grenouille tente de se frayer un chemin entre nos pas, dans les trous d’eau ménagés par nos empreintes. Une grenouille reconnaissable au premier regard. Une grenouille du genre Mantella  mais encore faut-il savoir laquelle

C’est là que les choses se compliquent car les mantelles présentent de nombreuses caractéristiques communes, tant au niveau de leur mode de vie que de leur morphologie. Le moyen le plus sûr de les différencier revient ainsi à examiner leurs patterns de couleur. Un dos de couleur rouge brique ; des flancs d’un noir profond ; un ventre, noir également, parsemé de tâches bleues jusqu’à la gorge où elles forment un croissant ; une ligne claire qui longe la lèvre supérieure. Pas de doute : nous avons entre les mains une représentante de l’espèce Mantella betsileo.

Mantella betsileo / Statut UICN : Préoccupation mineure  – Crédit photo : Natexplorers

 

#LeSaviezVous ❓ On vous a déjà abondamment parlé des dendrobates – ces petites grenouilles toxiques et colorées, emblématiques des forêts tropicales d’Amérique latine et du projet « Entre Deux Amériques » – mais jamais de leurs homologues malgaches : les mantelles.

Les premières sont endémiques d’Amérique latine, les secondes de Madagascar. Les deux sont de petite taille (entre 2 et 3 cm), diurnes et terrestres, arborent une coloration dite aposématique*… Bref, mantelles et dendrobates sont un parfait exemple de « convergence évolutive » : lorsque des taxons différents développent des caractéristiques similaires (morphologie, mode de vie, comportement…) par adaptation aux contraintes et conditions, souvent analogues, de leur milieu.

* Coloration aposématique (aussi appelée coloration d’avertissement ou coloration prémonitoire) : elle caractérise un animal ou un végétal qui exhibe des couleurs vives et contrastées pour avertir de sa dangerosité. Le message adressé est on ne peut plus clair : « Attention ! Je suis toxique. »

L’aposématisme est donc un mode de défense passif qui induit un danger (ou un désagrément) pour le potentiel prédateur : goût aversif, mauvaise odeur, projection toxique, poison, venin…

Pour aller plus loin :

–  article “Most Wanted : l’avis de recherche est lancé”

–  portrait vidéo “Manon, herpétologue”

 

UN CRABE DANS LE MAKAY ?

Voilà trois semaines que les carcinologues (spécialistes des crustacés) ratissent cours d’eau, lacs et marécages à la recherche de crustacés – passés sous le radar des scientifiques depuis le lancement des premières expéditions dans le Makay. C’était sans compter sur la rencontre inattendue de Megann avec… un crabe : « je prenais ma douche sous une petite cascade quand un crabe a surgi de sous un rocher ». La nuit tombe sur le camp de base. Nous décidons de reporter la recherche du décapode au lendemain matin.

Megann est la première en action. D’un geste précis, elle fouille sous chaque pierre, chaque racine, chaque branche morte. Soudain, des pinces émergent de l’eau trouble. C’est l’euphorie : le premier crustacé du Makay est bien là, sous nos yeux. La nouvelle ne tarde pas à se répandre jusqu’au campement. Nous confirmerons plus tard que ce crabe appartient bel et bien à une nouvelle espèce du genre Hydrothelphusa.

Hydrothelphusa nov. sp. / Statut UICN : Non évalué – Crédit photo : Natexplorers

 

#LeSaviezVous ❓ Ce n’est pas une… mais deux nouvelles espèces de crabes qui ont été mises en évidence au cours de l’expédition Makay 2017. Respectivement collectés par Megann (histoire ci-dessus) et Soudjay, les spécimens semblaient en tout point similaires morphologiquement. Enfin, c’est ce que l’on croyait : les analyses génétiques menées a posteriori ont révélé que ces individus appartenaient en fait à deux espèces distinctes du genre Hydrothelphusa.

Pour aller plus loin :

–  article « Un crabe dans le Makay »

–  portrait vidéo « Jean-François, carcinologiste »

 

LE LÉMUR BAMBOU

Les pieds plongés dans les eaux brunâtres du ruisseau, le regard fixé en direction de la canopée, Evrard et un groupe d’écovolontaires scrutent la végétation à la recherche d’Hapalémurs, plus communément appelés « lémurs bambous » – de petits lémuriens à la fourrure grise, aussi rares que discrets. Dans le bambou, qui constitue la part essentielle de leur alimentation, trois individus les observent avec curiosité, avant de disparaître aussi vite qu’ils sont apparus. Evrard, muni de son téléobjectif, tente d’immortaliser cette brève rencontre tandis que les écovolontaires, à quatre pattes dans la litière, s’affairent pour prélever quelques échantillons d’excréments tombés au sol.

L’analyse ADN réalisée au retour d’expédition révélera l’identité de l’espèce en question : l’Hapalémur de Ranomafana, Hapalemur griseus ranomafanensis, découvert en 2007 à l’est de Madagascar, dans le parc du même nom. La présence de l’Hapalémur dans le Makay semble appuyer l’hypothèse selon laquelle des forêts recouvraient autrefois les 200 kilomètres  quasi désertiques aujourd’hui  qui séparent ces deux régions clés pour la biodiversité malgache.

Hapalemur griseus ranomafanensis / Statut UICN : Vulnérable – Crédit photo : Evrard Wendenbaum

 

#LeSaviezVous ❓ 113 espèces et sous-espèces de lémuriens sont connues à Madagascar. Toutes endémiques de l’île, elles forment la famille de primates la plus menacée du monde.

Pour aller plus loin :

–  article “Most Wanted : l’avis de recherche est lancé”

–  article « La quête des Hapalémurs »

 

DES FOURMIS DANS LES ARBRES

À peine le briefing matinal terminé, que Jean-Jacques et ses collègues de la California Academy of Sciences (CAS) tapent déjà sur les branchages, retroussent l’écorce, secouent les feuillages pour déloger les fourmis qui s’y dissimulent et les recueillir dans un filet. Sur plusieurs décennies, l’étude minutieuse des fourmis a mis en évidence l’existence de près de 1 300 espèces sur toute l’île de Madagascar. Dans le cas du Makay, 169 représentantes de la famille des Formicidae ont été inventoriées par l’équipe du CAS depuis 2010 parmi lesquelles 40 espèces se sont révélées nouvelles pour la science ! À elles seules, les fourmis symbolisent l’extraordinaire potentiel de découverte du massif du Makay.

Aphaenogaster nov. sp. / Statut UICN : Non évalué – Crédit photo : Jean-François Cart

 

#LeSaviezVous ❓ L’échantillonnage de toutes les castes d’une colonie (larves, mâles, ouvrières et reine) a été indispensable à la validation de la découverte d’une nouvelle espèce de fourmi du genre Aphaenogaster.

Pour aller plus loin :

–  article “Most Wanted : l’avis de recherche est lancé”

–  documentaire « Exploration Makay » de Laure Bourru, qui a suivi l’équipe du CAS

 

SA MAJESTÉ LE PALMIER

Derrière les crêtes désertiques du Makay, nous pénétrons dans un dédale humide et verdoyant de canyons. Le contraste est saisissant. La végétation y est luxuriante, avec un foisonnement d’arums, de pandanus, de fougères… C’est dans ce marécage, où nous nous enfonçons jusqu’à la taille dans un sol bourbeux et couvert de débris végétaux, que le Palmier majesté (Ravenea rivularis) a élu domicile par milliers. Sa présence en abondance dans le massif offre une lueur d’espoir pour l’espèce, uniquement représentée par 10 populations disjointes * et en déclin dans l’ouest malgache. Pour le Palmier majesté comme beaucoup d’autres espèces, le massif du Makay mérite son statut de coffre-fort de biodiversité.

Palmier majesté (Ravenea rivularis) / Statut UICN : Vulnérable – Crédit photo : Natexplorers

 

#LeSaviezVous ❓ Pour moins de 2 euros sur internet, vous pouvez vous procurer – en toute légalité – 10 graines de Ravenea rivularis, pourtant classé « vulnérable » par l’UICN.

Paradoxe de notre époque : le Palmier majesté est devenu plus commun dans les jardins du monde entier qu’à Madagascar, où il occuperait en tout et pour tout… 108 km². Un confetti à l’échelle de l’île et de son aire de répartition originelle .

* Populations disjointes : populations d’une même espèce séparées par une distance importante.

 

PRIS AU PIÈGE PHOTOGRAPHIQUE

Des empreintes animales ont été décelées en nombre à proximité du camp de Beora. Les sacs sont préparés. Leur contenu vérifié encore plus méticuleusement qu’à l’accoutumé : un GPS, des batteries en extra et surtout, les pièges photographiques. Chaque jour, Sergio et Rohan relèvent ces pièges avec l’espoir d’y découvrir les preuves du passage d’animaux. Potamochères, rongeurs, lémuriens, oiseaux… Très vite, les photos et les vidéos s’accumulent, fournissant de précieuses informations sur la distribution de ces espèces. Quand, sous les yeux ébahis des jeunes scientifiques, apparaissent les toutes premières images dans le Makay de l’énigmatique fossa plus grand prédateur et mammifère sauvage de Madagascar.

 

Fossa (Cryptoprocta ferox) / Statut UICN : Vulnérable – Crédit photo : Naturevolution

 

#LeSaviezVous ❓ Seuls 2 500 fossas subsisteraient à l’état sauvage sur toute l’île de Madagascar. Le Makay est l’un de leurs derniers refuges.

Pour aller plus loin :

–  article « Au sommet de la chaîne alimentaire »

–  article « Most Wanted : l’avis de recherche est lancé »