À l’heure du bilan d’une nouvelle année écoulée – résolument tournée vers la transmission et la collaboration –, un constat perdure et s’amplifie : la biodiversité fait face un effondrement généralisé. Un effondrement entraîné par notre manque d’indulgence, de compassion, de considération à son égard et qui nous entraînera, tôt ou tard, dans son sillage.

Ce cri d’alarme, nos réflexions ainsi que notre détermination, nous les partageons avec autant de lucidité que possible dans un entretien fleuve accordé à Openfield, revue en ligne consacrée aux questions de paysage et aux pratiques de celles et ceux qui le façonnent.

 

OPENFIELD, REVUE OUVERTE SUR LE PAYSAGE

N°14 / DIVERSITÉ

 

Extrait

Le manque de considération de la biodiversité à différentes échelles de décision est profondément révoltant. Nous n’avons probablement pas encore trouvé les bons outils, les bonnes approches pour faire de la protection de la biodiversité une priorité. Pourtant, d’un point de vue purement pragmatique : préserver un maximum de biodiversité c’est se préserver nous-mêmes. Nous n’avons pas d’autre choix que de protéger la biodiversité !

La technologie n’est pas la réponse à ce qui est sans nul doute le plus grand défi auquel fait face l’humanité, elle n’est tout simplement pas en mesure de reproduire les conditions de vie nécessaires et suffisantes à l’ensemble de l’humanité. Quel autre laboratoire que celui du vivant peut se targuer d’une somme aussi vertigineuse d’essais-erreurs-corrections sur près de 4 milliards d’années ? Charge à nous, en tant que société, d’imaginer les ressorts d’une prise de conscience globale de l’urgence écologique pour faciliter l’adoption de modes de vie compatibles avec le système Terre.

Ce sont ces réflexions, ces questionnements qui nous poussent, nous aussi, à revoir notre copie, et notamment à reconsidérer l’impact des expéditions de l’idée à la réalisation en passant par leur valorisation. Ces préoccupations seront au cœur de nos prochains projets de terrain, toujours en mettant l’accent sur la médiation scientifique et la diffusion d’outils au service d’une meilleure connaissance de la biodiversité. C’est le sens de notre engagement depuis le tout début : mieux connaître pour mieux protéger.

Un entretien réalisé par Armande Jammes pour Openfield
À retrouver dans son intégralité ici

 

 

Fil de l’entretien

 

  Vous êtes tous les deux biologistes, quel a été votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous positionner dans cet entre-deux entre le monde scientifique et le grand public ?

–  Le concept de biodiversité est largement utilisé aujourd’hui, dans les médias, partout. Quelle est l’histoire de ce mot, d’où vient-il ? Que savons-nous aujourd’hui de l’étendue du vivant ?

–  Les expéditions que vous avez menées ou auxquelles vous avez participé s’inscrivent dans la continuité des expéditions naturalistes du 18siècle et, plus récemment, les grandes expéditions du 20siècle comme celle, par exemple du Radeau des cimes de Francis Hallé. Pouvez-vous nous raconter en quelques mots les trois grands projets auxquels vous avez participé ?

  Il semble que nous nous dirigions vers la 6extinction de masse ? Est-ce bien de cela qu’il s’agit ? Qu’est-ce que cela signifie exactement ?

  Comment vivez-vous cela en tant que scientifiques, en tant qu’humains ? Quels sont aujourd’hui vos moyens d’action, réflexions ? Où en êtes-vous de vos projets ?

 

Éditorial Openfield n°14

 

Nous aussi, nous sommes inquiets. « On ne va pas le cacher, il y a des moments difficiles, surtout quand les nouvelles accablantes s’accumulent. »

Ce sont les mots de Barbara Réthoré et Julien Chapuis, biologistes et explorateurs de la biodiversité. Nous sommes inquiets, car le temps change, vite, trop vite, beaucoup plus vite que nous ne l’avions imaginé. Des pluies diluviennes succèdent à des sécheresses éprouvantes. Les caves des maisons et les piscines de nos voisins sont inondées de boue, car les terres agricoles glissent, plus rien ne les retient. Et c’est la diversité d’un sol qui disparaît…

Et ce sont des ruches, mortes, encore une fois après l’été. Des pins sylvestres et des épicéas qui meurent sous les attaques des scolytes et de la chaleur. Les thuyas meurent aussi, dans la plus grande indifférence puisque personne ne les aime. Chaque jour ce sont combien, 50, 100, 200 ? espèces qui disparaissent. Et il serait idiot de croire que notre sort n’est pas lié au leur.

Nous avons appelé ce numéro Diversité, car il nous semblait que c’était un sujet majeur. Celui-ci s’ouvre donc avec l’interview de Barbara Réthoré et Julien Chapuis. Tous deux reviennent sur leur parcours et leur travail, sur ce qu’est la biodiversité. Ils nous parlent de son exploration, mais aussi de son effondrement. Ils s’interrogent aujourd’hui sur leur pratique, comment continuer ce travail aujourd’hui, comment rendre compte de ce qui se passe ?