« Anthropause ». Avec ce néologisme, les auteurs d’une étude récemment publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution (1) proposent de qualifier la « période de mobilité humaine exceptionnellement réduite » que nous traversons depuis plusieurs mois – et probablement encore pour quelques autres.
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Cette « pause mondiale », destinée à contrôler la propagation de la Covid-19 au sein des populations humaines, nous l’avons tou·te·s constaté, a aussi des effets multiples sur les autres vivants. Au-delà des innombrables récits de rencontres inhabituelles avec la faune sauvage partagés sur les réseaux sociaux, il semble non seulement y avoir plus d’animaux qu’à l’accoutumée, mais également des visiteurs surprenants : des pumas ont été aperçus dans les rues de Santiago du Chili ; des dauphins dans les eaux inhabituellement calmes du port de Trieste, en Italie ; des chacals en plein jour dans les parcs urbains de Tel Aviv, en Israël…
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Saisissons ce moment d’anthropause pour forger de nouvelles formes de coexistence
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Pourquoi alors ne pas imaginer se mettre, volontairement, en « anthropause » ? Comme le souligne Martin Wikelski, directeur du département Migration à l’Institut Max Planck et co-auteur de l’article, « personne ne demande à ce que les humains restent enfermés en permanence. Mais nous pourrions découvrir que des changements relativement mineurs de nos modes de vie et de nos réseaux de transport peuvent avoir des avantages importants respectivement pour les écosystèmes et les humains » (2).
Ne manquons pas l’occasion de déterminer, pour la première fois à une échelle véritablement mondiale, dans quelle mesure les activités humaines affectent la faune sauvage, et d’envisager ce qui ferait un « levier d’action écologique d’envergure » – afin de pouvoir en imaginer des milliers, comme nous y convie le philosophe Baptiste Morizot (3). Ne gâchons pas l’opportunité de partager plus justement l’espace sur cette planète saturée par l’extension du territoire humain. Et saisissons ce moment pour forger des formes de coexistence nouvelles avec le reste du vivant afin de reconsidérer nos manières d’être au Monde et d’habiter la Terre.
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Couverture / Image de coronavirus réalisée à partir d’une vue par microscopie électronique à transmission. Crédit : James Cavallini, BSIP
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Pour aller plus loin
- « Biodiversité : notre plus grand défi » – Article du 13 mai 2020
- « Épidémies: soignons notre relation au vivant » – Article du 3 mai 2020
- « Chauves-souris : coupables idéales » – Article du 15 avril 2020
- « Coronavirus : ce que le vivant nous apprend » – Article du 24 mars 2020
Références
- (1) « COVID-19 lockdown allows researchers to quantify the effects of human activity on wildlife » par Rutz, Loretto, Bates et al. – Nat Ecol Evol, 22 juin 2020
- (2) « Le confinement dû au Covid-19 révèle l’impact de l’homme sur la faune » par Akiko Kato, Bruno Michaud et Yan Ropert Coudert – INEE CNRS, 23 juin 2020
- (3) « Raviver les braises du vivant » par Baptiste Morizot – Actes Sud / wildproject, 2 septembre 2020