« L’inventaire du monde vivant, travail de titan » 

Ainsi s’ouvre le journal Le Monde daté du 1er janvier, laissant espérer que cette année 2021 sera résolument tournée vers le vivant, pluriel et majuscule – avec des rendez-vous capitaux à l’horizon tels que le Congrès mondial de la nature de l’UICN et la COP 15 sur la biodiversité, qui se tiendront respectivement en France (Marseille) et en Chine (Kunming).

Ainsi s’ouvre également notre année 2021 avec quelques-uns de nos propos relayés et amplifiés dans les colonnes du journal, sous la plume habile de Perrine Mouterde, journaliste à la rubrique Énergies-Biodiversité. Gageons que cela soit de bon augure pour 2021 !

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LE MONDE / 1ER JANVIER 2021

DRESSER L’INVENTAIRE DU VIVANT, UNE TÂCHE COLOSSALE

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Extraits

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[…] combien y a-t-il d’espèces animales et végétales sur Terre ? Cinq millions, 10 millions, 100 millions, comme l’ont estimé certains ? Le consensus s’établit autour de 8 à 10 millions, dont un peu plus de 2 millions ont été décrites. « L’ordre de grandeur n’est pas si important, remarquent Barbara Réthoré et Julien Chapuis, biologistes et fondateurs de la structure Natexplorers, qui mène des expéditions d’exploration et de sensibilisation. Ce qui compte, c’est de réaliser à quel point nous sommes ignares sur l’état du vivant sur notre planète à l’heure où l’on projette d’aller sur Mars. »

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« Pour ne pas sombrer dans un état de sidération et de pessimisme, il faut continuer à s’émerveiller de la description de nouvelles espèces, témoigne Julien Chapuis. Ça nous raccroche à ce dont on pouvait rêver quand on était enfant, à cette fascination pour le vivant. »

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En 2016, Barbara Réthoré et Julien Chapuis ont mené une expédition scientifique dans la forêt tropicale du Darién, au Panama. Accompagnés de quatre biologistes panaméens, ils ont réalisé un inventaire rapide de la biodiversité locale et sont partis sur les traces du Singe-araignée gris, décrit pour la dernière fois en 1944, mais jamais observé en milieu sauvage. Les dix jours de mission n’ont pas suffi à le retrouver. « Découvrir ce singe, ce serait un moyen de parler de cette région où la biodiversité est particulièrement menacée, notamment par la déforestation à tous crins. On s’attendait à traverser des forêts primaires et on s’est retrouvé dans des champs de monoculture de bananes plantains », se souvient Barbara Réthoré.

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On ne peut protéger que ce qu’on connaît, répètent comme un mantra les taxonomistes. Mais comment passer de la connaissance à la conservation ? […] La taxonomie est la base, le socle indispensable, le préalable à tout le reste. Pas une simple collection d’espèces que l’on conserverait les unes à côté des autres, tel un philatéliste méticuleux. « On a décrit un peu plus de 2 millions d’espèces, mais on n’en connaît réellement que quelques dizaines de milliers, rappellent Julien Chapuis et Barbara Réthoré. La biodiversité n’est pas un ensemble figé. La difficulté est qu’il faut agir maintenant et en urgence sur des dynamiques du vivant qui se déploient sur des millions d’années. »

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Barbara Réthoré et Julien Chapuis devraient, eux, partir explorer la biodiversitéde leur région. Il ne faut pas forcément aller au bout du monde pour s’émerveiller. « L’inventaire complet, on n’y arrivera pas, relativise de son côté Hervé Le Guyader, mais tout n’est pas foutu pour la protection de la planète. L’important, c’est de connaître le mieux possible le vivant, parce qu’on ne protège pas la forêt de la même façon en Amazonie et en France. »

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Une enquête de Perrine Mouterde pour Le Monde

À retrouver, pour les abonné·e·s, ici

Couverture : Dendrobates auratus / Expédition Darién, 2016

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